Juditha Triumphans. Antonio Vivaldi.

Szenisches Oratorium.

Helmut Müller-Brühl, Danièle Perrin. Stadttheater St. Gallen.

Radio Suisse Romande, Espace 2, Musimag, 1er février 1989.

 

 

 

L'action est empruntée des livres apocryphes de la bible. Judith, la belle veuve juive, entre dans le camp des assyriens pour couper la tête au général des troupes ennemies, Holopherne. Cet oratorio, Vivaldi l'a écrit pour célébrer la victoire de l'état de Venise contre les turques. Et la représentation fut donnée à l' "ospedale della Pietà", une institution où régnaient les dames, ce qui explique que l'oratorio place une femme au centre.

 

Mais est-ce que l'oratorio se prête à l'arrangement scénique? Le théâtre de St. Gall a prouvé que oui, qu'on pouvait le donner en principe au-dehors de l'église et du concert. Mais le théâtre de St. Gall n'a, malheureusement, pas seulement prouvé l'aptitude de l'oratorio pour la scène, il a aussi fait la démonstration des fautes que toute mise en scène devrait éviter. C'était donc un succès mitigé qui m'a chauffé le cœur tout en me cassant les nerfs.

 

La mise en scène, en premier lieu, est loin d'être parfaite. Elle était confiée à une jeune femme bien connue en suisse romande, Danièle Perrin. Mais Mme Perrin a lâché son travail une semaine avant la première pour des raisons personnelles (nous indique le programme), et c'est la direction du théâtre qui a organisé la fin des répétitions. Or, le spectacle est resté incomplet dans ses détails, manque de précision éclatant chez les figurants et manque d'intensité et de différenciation chez les rôles principaux.

 

Mais ces détails m'auraient beaucoup moins gêné, je l'avoue, si les bases mêmes de cette mise en scène m'auraient convaincues. Mais si vous vous attendez qu'une jeune femme vous apporte des conceptions modernes et hardies, vous vous trompez. Danièle Perrin nous propose des solutions scéniques complètement dépassées. Est-ce que vous vous souvenez de la boîte à café de votre grand-maman? Celle de la mienne portait des images naïves que je ne cessais d'admirer. On y voyait le sable jaune, le ciel bleu et les arabes étranges qui portaient les sacs à café devant une coulisse de murs orientaux. C'est précisément ces images de la boîte à café de ma grand-maman que le théâtre de St. Gall a mis sur scène, images d'un orientalisme périmé et douteux. Est cet aspect de kitsch vieillot a provoqué chez moi un effet de distanciation involontaire; je m'amusais comme si je suivais, en tant qu'adulte, une représentation de marionnettes pour enfants.

 

L'interprétation musicale était bien différente. La direction était confiée à Helmut Müller-Brühl qui a su, par son feu sacré, animer l'orchestre symphonique de St. Gall de manière insoupçonnée, et il l'a élevé au-dessus de la routine quotidienne. Les musiciens ont joué avec une précision et un sens du phrasé tout à fait étonnants, de façon que l'accompagnement orchestral a fait l'évènement de la soirée. Helmut Müller-Brühl nous a fait entendre, voire savourer la beauté des couleurs que Vivaldi a inventé pour cet oratorio; et les auditeurs étaient visiblement épris de cette beauté inaccoutumée.

 

Le chœur, malheureusement, n'était pas bien placé. On n'a pas pu le mettre ni sur la scène ni dans la fosse. Alors on a pris une sorte de balcon au bord de la salle, et, par ce placement, on a amoindri l'éclat vocal. On ne voulait probablement pas détruire l'illusion scénique par la présence du chœur, mais je trouve ce raisonnement malheureux. Car la présence du chœur sur scène aurait obligé la mise en scène de trouver des solutions plus modernes que le réalisme des boîtes à café.

 

Et la qualité vocale? On ne pouvait pas oublier que les chœurs de St. Gall sont des laïques. Des voix très jeunes (contrairement à la moyenne des chœurs d'opéra), mais sans le sens des couleurs et sans technique suffisante pour les exigences de cette œuvre.

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