Iphigenie auf Tauris. Christoph Willibald Gluck.

Oper.

Michael Boder, Achim Freyer. Theater Basel.

Radio Suisse Romande, Espace 2, Magazine de la musique, fin janvier 1991.

 

 

(Musik)

 

Cette tempête au début de l'opéra n'est pas seulement un évènement météorologique, non, cette tempête initiale nous indique aussi que l'opéra va nous présenter une tempête des passions. Nous serons témoins des profondeurs les plus horribles que le destin prépare aux hommes, et nous verrons le carnage au sein d'une famille. Car en effet, le drame d'Iphigénie nous raconte un chapitre de l'histoire de cette infortunée famille des Atrides, la famille la plus malheureuse de la mythologie grecque. Et dans cette histoire, l'instrument de la hache joue un rôle important. Car c'est avec une hache qu'Agamemnon voulait couper la tête à sa fille Iphigénie pour implorer les dieux par ce sacrifice et pour les rendre clément. Au dernier moment cependant, une déesse a emporté la fille. Au lieu d'être sacrifiée par son père, c'est elle maintenant qui sacrifie les hommes en les tuant sur un autel ensanglanté, loin de sa patrie, chez les barbares. Son office l'oblige à tuer tout étranger qui s'approche de l'île. Mais l'étranger qu'elle doit tuer est son frère. Iphigénie l'ignore. C'est le sort des Atrides de perpétuer le carnage, qu'ils le veuillent ou non.

 

(Musik)

 

Le metteur en scène de cette histoire affreuse est le peintre allemand Achim Freyer. En travaillant avec Brecht, il a pris le goût de la mise en scène. Alors, de temps à autre, il sort une production, production qui chaque fois fait un tabac. Souvent, ces mise en scène sont reprises par d'autres théâtres. Son "Freischütz" par exemple qui initialement est sorti à Stuttgart a, quelques années plus tard, même été repris par le Grand Théâtre de Genève. Et Iphigénie en Tauride, opéra de Gluck qu'Achim Freyer a monté pour l'opéra de Munich il y a maintenant exactement douze ans, Iphigénie a fait le tour de l'Allemagne pour être finalement accueillie à Bâle.

 

12 ans depuis la première création. C'est clair que le monde a changé depuis, Achim Freyer lui-même a changé. D'où vient donc son courage ou son audace de nous présenter une mise en scène qui date de hier? C'est qu'Achim Freyer croit à une sorte de classicité du théâtre. Pour prendre un exemple: Un compositeur ne réécrit pas sa partition chaque fois qu'elle est jouée. Un partition de 1979 est une partition de 1979, et personne n'exige qu'elle change juste parce qu'un orchestre la joue aujourd'hui. Et pour cette raison, Achim Freyer n'a pas de scrupules de faire monter sa production d'Iphigénie une nouvelle fois. Car même si un artiste change au cours des temps, ce changement ne signifie pas automatiquement un progrès. Achim Freyer:

 

(Wort)

 

Pour Achim Freyer, Iphigénie est un grand personnage de la résistance. Car au lieu de suivre l'ordre qui l'oblige à tuer l'étranger, elle lui permet la fuite.

 

(Wort)

 

Pour qu'une produciton telle qu'Iphigénie puisse être reprise par un autre théâtre, il faut qu'elle soit fixée par une sorte de partition, où chaque geste est noté. Et comme le chef d'orchestre réalise une partition musicale, le metteur en scène réalise la partition scénographique d'Achim Freyer.

 

(Wort)

 

Achim Freyer s'est rendu à Bâle pour contrôler la reprise de sa mise en scène. Il a dirigé les premières répétitions, et il a fignolé les détails lors des répétions finales. Entre temps, deux assistants se sont occupés du travail. Car Freyer ne se considère pas comme homme de théâtre, mais comme peintre. La peinture est pour lui sa source d'inspiration, c'est par la peinture qu'il s'exprime. Mais il lui arrive à faire du théâtre, et sans qu'il y fasse attention, il a la chance de voir que ses productions durent plus longtemps que ce qui se fait d'habitude. Achim Freyer:

 

(Wort)

(Musik)

 

La musique que nous venons de vous offrir vient d'un disque CD avec John Eliot Gardiner comme chef. C'est la version originale en français. A Bâle, on donne une version allemande de l'opéra. Elle a l'avantage que l'on comprenne ce que chantent les personnages secondaires. Mais malheureusement, la chanteuse qui incarne le rôle d'Iphigénie ne semble pas chanter un texte, mais faire des vocalises. Vous ne comprenez donc pas un mot de ses monologues, de façon que le sens du drame et le sens de la mise en scène vous échappent chaque fois qu'Iphigénie ouvre la bouche. D'autre part, rien ne vous empêche d'admirer la beauté de sa voix. Car Rachel Gettler a un splendide soprano sans défaillance, une voix radieuse bien cultivée. L'orchestre symphonique de Bâle joue sous la direction de Michael Boder. Lors de la première, la prestation musicale n'était pas encore tout à fait parfaite, mais ce que l'on peut dire, c'est que Bâle avec "Iphigénie en Tauride" vous présente une réalisation tout à fait singulière, étrange et curieuse d'une œuvre que l'on croyait connaître à fond. Si vous voulez donc redécouvrir le fond du cauchemar des Atrides et de la mythologie grecque, c'est à Bâle que vous devez vous rendre.

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