Il mondo della luna. Joseph Haydn.

Oper.

Jost Meier, Martin Markun. OGB Biel.

Radio Suisse Romande, Espace 2, Musimag, 1er février 1989.

 

 

"Le monde dans la lune" – le titre nous permet de pouvoir quitter la terre et d’aller marché sur la lune, bien des siècles avant Tintin et les Américains; et c'est effectivement cette traversée que l'opéra de Haydn nous propose de faire, donc un voyage de la terre à la lune, aller et retour. Le théâtre nous démontre deux mondes différents: Le monde terrestre avec sa réalité compacte et lourde, et le monde lunaire avec ses miracles, ses fantômes et ses apparitions.

 

Mais alors, allez-vous demander, est-ce que Haydn croyait vraiment, en 1779 déjà, que l'homme pourrait traverser l'espace et atterrir sur la lune? Eh bien, non. Celui qui rêve de monter à la lune, c'est pour Haydn comme pour ses contemporains, un nigaud qui a nettement perdu le sens de la réalité. Donc à l'opéra, en nous parlant du monde lunaire, on nous parle en même temps d'un homme stupide et crédule, qui, par son imbécilité, se prête à être puni et à nous faire rire, tout comme ces toqués du monde de Molière, ces malades imaginaires, ces avares, ces bourgeois gentilshommes qui ne savent pas respecter les frontières du goût, de la morale et de la société.

 

C'est la raison pourquoi l'homme qui croyait au monde de la lune, à la fin de l'opéra, se frappe le front en disant: "Quel idiot j'étais de me faire des illusions, heureusement que j'en suis guéri, heureusement que j'ai retrouvé ma raison."

 

(Musik)

 

La fin de l'opéra nous montre donc un homme guéri de ses illusions et réconcilié avec la société qui l'entoure. L'ancien régime, si l'on peut dire, s'est confirmé, il est sauvé. C'est que notre rêveur n'a non seulement lâché ses illusions, il a aussi accepté la réalité. La réalité, c'est que ses deux filles sont amoureuses de deux jeunes hommes et que tout homme raisonnable est obligé d'accepter ces liaisons et de lâcher ses filles.

 

Mais comment notre père jaloux a-t-il perdu ses illusions? Par un somnifère que l'un des deux amants l'a fait boire. Et pendant qu'il dort, les jeunes couples transforment le jardin, se mettent dans des costumes bizarres, cachent le visage derrière un masque, et lorsque papa se réveille, ils prétendent qu'il est sur la lune, et le roi lunaire, par son autorité, l'oblige à consentir au mariage de ses filles.

 

(Musik)

 

Le monde de la lune, tel que Haydn l'a décrit en musique. C'est l'opéra de Bienne qui a sorti cette œuvre rarement donnée; avec l'aide des étudiants du studio lyrique du conservatoire de Bienne. La direction musicale était assurée par un grand professionnel, le compositeur suisse Jost Meier qui, il y a quelque dix ans, a lui-même assumé le poste de chef titulaire de l'opéra de Bienne. Je lui ai parlé, et j'ai d'abord voulu savoir si l'opéra de Bienne nous avait présenté une véritable première.

 

(Wort)

 

Vous l'avez deviné en entendant cet entretien avec Jost Meier que "Le Monde dans la lune" de Haydn, présenté par des jeunes étudiants du studio lyrique du conservatoire de Bienne n'est pas le tout grand succès artistique. Cela tient au livret ennuyeux sans intrigue passionnante, cela tient à la musique qui est trop uniforme et qui ne trouve guère le souffle génial, cela tient au fait que la mise en scène de Martin Markun n'a pas assez su compenser les lacunes du livret et de la musique par des inventions scéniques passionnantes, et cela tient finalement au fait que les jeunes chanteurs n'ont pas encore assez de métier, ni sur le plan mimique, ni sur le plan purement musical, de tenir le coup pendant deux longues heures. La représentation de ce petit opéra simple et sans prétentions nous prouve une fois de plus que les choses simples sont les plus difficiles à faire.

Die Stimme der Kritik für Bümpliz und die Welt 0