Le Médecin malgré lui. Charles Gounod.

Opéra.

OGB Biel 1990.

Radio Suisse Romande, Espace 2, Magazine de la musique, mi-décembre 1990

 

 

Le petit théâtre lyrique de Bienne est formé par une troupe de jeunes chanteurs qui sont en train d'apprendre leur métier en sortant des productions qui dépassent l'ambition des amateurs. Cette saison, les grands opéras "Falstaff" et "Don Giovanni" figurent au programme. C'est un choix hardi, et la comparaison avec les grandes troupes est à craindre. Mais il y aussi deux, trois productions où le théâtre lyrique de Bienne joue un rôle pionnier. Pour les fêtes par exemple, il prévoit le musical "Gigi" d'après le roman de Colette. Et juste à l'instant, il joue "Le Médecin malgré lui", pièce de Molière, bien entendu, mais enrobée d'un certain Monsieur Gounod. La première création de cet opéra était en 1858 à Paris, au Théâtre Lyrique. Mais jamais "Le Médecin malgré lui" a été donné en Suisse. Le théâtre lyrique de Bienne a donc bel et bien monté une première création suisse, avec le léger retard de 132 ans. Or, comme tout vin perd quand on le garde trop longtemps (surtout les vins légers se détériorent assez vite), l'opéra de Gounod a depuis longtemps perdu son parfum et ses charmes. S'il n'avait pas la chance de pouvoir s'accrocher à une colonne vertébrale assez vigoureuse (la pièce de Molière), aucune raison ne justifierait qu'on le donne de nos jours. Gounod sans Molière ne tient pas debout. Ceci n'est pas seulement mon avis personnel, c'est un avis qu'énonce même le programme, de façon que je suis quitte à faire la preuve, puisque je peux vous lire ce que dit le programme. Je cite: "Malgré les qualités de la partition, l'ensemble est assez froid, même si quelques pages ne manquent pas d'entrain. L'opéra, peut-être parce qu'il manquait d'une véritable vis comica, n'obtint pas un grand succès." Cette constatation se rapporte au temps de Gounod. Mais les choses n'ont guère changé depuis. Le succès parmi les abonnés du théâtre lyrique de Bienne n'était pas plus formidable, et à juste titre. Les jeunes chanteurs sont de qualité trop inégale. Il y a deux, trois voix qui vont peut-être se développer, puis il y a des voix qui, malgré qu'elles appartiennent à des débutants, ont déjà pris de fort mauvaises habitudes et qui sont probablement perdues. Cette première création confirme donc la constatation d'un écrivain anglais qui, au sujet de Gounod, disait, je cite: "Gounod a écrit Faust, mais ceux qui aiment Goethe n'aiment pas Gounod. Plus tard il a écrit Roméo et Juliette, mais ceux qui aiment Shakespeare n'aiment pas Gounod." Fin de la citation. Après avoir vu "Le Médecin malgré lui", j'ajouterai: Ceux qui aiment Molière n'aiment pas Gounod.

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